Quatre jours après les attentats, le plus grand pays musulman du monde célèbre la fraternité à Paris

Quatre jours après les attentats du Bataclan, du Stade de France et des terrasses de Paris, pile au lendemain des trois jours de deuil national, a eu lieu un événement discret mais hautement symbolique. Ce mardi 17 novembre 2015, l’Indonésie, le plus grand pays musulman du monde, organisait un spectacle musical.

Certes, le concert était programmé bien avant les attentats puisqu’il s’agissait de fêter le cinquième anniversaire de l’inscription de l’angklung par l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Mais l’événement prend une valeur très symbolique à la fois par le lieu dans lequel il se déroule, par le pays qui en est l’organisateur, mais aussi et surtout pour ce choc des civilisations qui n’aura pas lieu.

L’architecture de la salle ne peut en effet pas laisser indifférent pour mettre en scène un instrument de musique traditionnel d’Asie du sud-est : un théâtre à l’italienne néoclassique construit juste avant la révolution. Quel décor improbable avec ses dorures pour découvrir un instrument en bambou vieux de plus de 800 ans ! On frôle même le surréalisme avec le plafond refait au siècle dernier par le peintre André Masson, un des fondateurs du mouvement surréaliste. Et l’histoire du théâtre contribue à sa façon à faire écho aux événements du 13 novembre. Rebaptisé « Odéon-Théâtre de l’Europe », cette vieille Europe dont il tant question dans l’affrontement entre Daesh et l’occident, il a aussi porté les noms de « Théâtre de la Nation » et de « Théâtre de l’Egalité ». Europe, nation, égalité… tout cela est très troublant.

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Huit cent spectateurs de toutes origines se sont donc retrouvés au Théâtre de l’Odéon et nous avons découvert sur notre siège ce petit instrument inscrit au patrimoine immatériel de l’humanité, l’angklung. C’est un petit instrument de musique en bambou qu’on tient d’une main et qu’on fait résonner en le secouant de l’autre main, comme un hochet. Chaque angklung produit une seule note ou un accord unique, si bien qu’il faut plusieurs musiciens équipés d’angklung de tonalité différente pour jouer une mélodie. Et justement, ce soir-là, chaque spectateur se retrouve propriétaire d’un angklung dont la tonalité est distribuée au hasard : mon voisin de gauche le numéro 1, à ma droite le numéro 6 et moi avec le numéro 5. Sept tonalités différentes sont ainsi aléatoirement distribuées dans la salle.

Huit cent spectateurs ont en main un instrument de percussion qui ne demande qu’à résonner à la moindre vibration… vous pensez comme moi que le cauchemar n’est pas loin ? Et pourtant, immense leçon de vivre ensemble, le public est resté parfaitement silencieux pendant la minute de silence en hommage aux victimes des attentats. Le spectacle peut commencer ; la magie entre en scène…

Le maître de musique indonésien, plein d’humour, réussit en quelques phrases à expliquer quand activer notre instrument en fonction d’un code qu’il exécute de plus en plus vite avec ses mains. En quelques minutes, le miracle se produit, une dizaine de musiciens et huit cent spectateurs parisiens de toutes origines et toutes religions jouent en parfaite harmonie des mélodies complexes qui leur étaient jusqu’alors totalement inconnues. Chaque spectateur s’approprie en un clin d’œil une musique ancestrale et se retrouve, sourire aux lèvres, au centre d’un immense orchestre.

L’Indonésie, plus grand pays musulman au monde, a délivré, quelques jours seulement après les attentats les plus meurtriers de Paris, un message de paix universel en partageant sa culture et sa musique dans un élan de fraternité et de joie communicative.

Bravo à la délégation de l’Indonésie auprès de l’UNESCO pour avoir organisé ce spectacle avec brio et pour avoir maintenu l’événement en ce moment difficile.

Un grand merci aux musiciens de Saung Angklung Udjo venus spécialement la veille de Bandung sur l’île de Java. Arrivés à Paris la veille du spectacle, ils ont répété sans relâche toute la journée.

 

One Comment

  1. Bonjour,

    Je trouve que votre article est vraiment touchant avec de belles images du groupe Saung Angklung Udjo. Si cela ne vous dérange pas, j’aimerais proposer qu’on met votre blog/article sur le compte facebook de l’Ambassade d’Indonesie à Paris/délégation auprès de l’UNESCO. Merci de votre réponse.

    a.kosala

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