Mahakoota à environ 7 km de Badami sur la route de Aihole. Les plus courageux pourront y aller à pied par le chemin qui part derrière le temple d’Hanuman à Badami.
Le chemin est presque entièrement empierré et, quelques minutes seulement après avoir quitté la turbulente Badami, la sérénité et la beauté des paysage s’imposent peu à peu.
Percussions et instruments à vent se font soudain entendre au loin. On s’approche du temple – attention, il faut respirer un grand coup avant de le prononcer – Chikkamahakuteshwar à Mahakoota.
Une curieuse cérémonie capte l’attention de toute l’assemblée. Notre première vision est celle de la mariée et de son époux nouvellement unis par les liens du mariage et sur le moment unis physiquement par les liens du gourou comme le sont le poivron et le morceau de poulet dans une brochette de barbecue.
Encouragé par la foule, envouté, presque en transe, un personnage habillé de rouge, maquillé, armé d’un poignard et d’une épée, chante, prédique, virevolte et transperce tour à tour la joue ou la langue des volontaires. Tout le monde partage les mêmes pics en bois ou en métal, aseptisés à l’aide d’un simple morceau de citron. N’ayez pas peur, c’est l’Inde ! Il paraît que c’est pour aider à faire sortir les démons intérieurs. Bizarrement, on a préféré continuer à cohabiter avec tous nos démons.
Enfin, dans un final époustouflant, il se transperce la joue et fait glisser dans le trou un fil de plusieurs mètres.
Comme le sens de la cérémonie restait un peu obscur Prianka, une jeune fille qui parle anglais, nous a donné des explications. Mais le mot qui reviendra le plus souvent autour de nous c’est « Śāstra ». Śāstra, c’est à dire la règle : on n’explique plus une tradition védique qui transporte ses rituels depuis des temps immémoriaux. Au final, nous apprendrons qu’il s’agit probablement d’une danse Veeragase (ವೀರಗಾಸ) typique du Karnataka et pratiquée par les « Lingayats » très liés à Shiva.
Lorsque la musique se tait enfin, la foule se disperse et se regroupe pour le repas à l’arrière du temple, avec autant d’ardeur que pour acheter un billet de train au comptoir de la gare. En coulisse une équipe prépare le repas pour cette foule compacte. A l’extérieur des marmites de plus d’un mètre de diamètre pour la cuisson du riz, du dal (à base de lentilles) et des sauces. A l’intérieur la « boulangerie » est installée dans une petite pièce sans ouverture. Le feu de bois, à même le sol, sature tant la pièce de fumée qu’il nous est très difficile de respirer et de garder les yeux ouverts. Une bonne douzaine de personnes, dont les deux tiers sont des femmes, s’affaire à même le sol pour préparer et cuire toutes sortes de pains : chapati, roti, naan, papadam. Dans un coin de la pièce un gros coffre en bois renferme un accompagnement pour les beignets, délicieusement sucré et parfumé à la cardamome, sous la forme de boules compactes de couleur jaune.
Des tracteurs décorés et ornés de colliers d’œillets se fraient un chemin au fond du jardin. Leurs remorques sont remplies de mobilier neuf, cadre de lit, armoire, matelas, chaises, accessoires de cuisine. Tout est déchargé et déposé dans un désordre apparent bien trompeur. Car rien n’est laissé au hasard. Du début à la fin, le mariage est parfaitement sous contrôle. La compatibilité entre les mariés a été soigneusement étudiée par un astrologue, tout comme la date et le lieu du mariage. Les cadeaux sont harmonieusement mis en évidence pour n’en dissimuler aucun et augmenter l’effet d’abondance. Les donations de chaque convive sont même soigneusement consignées sur des cahiers tenus, chacun, par deux préposés au regard concentré.
Bien évidemment, le photographe, le vidéaste et leurs assistants ne manquent rien de l’événement et pendant des années tous les nouveaux convives des mariés et de leur famille devront admirer l’album photos page par page.
Puis l’après-midi reprend tout doucement son cours et les convives envahissent à nouveau le temple, mais cette fois-ci autour de son bassin. Dans une ambiance de piscine de bord de mer hommes et femmes se baignent sans plus se soucier du caractère sacré du lieu. Comme toujours, les hommes se baignent en slip ou en caleçon et les femmes toutes habillées. Mais tout le monde se regroupe dans un joyeux mélange, les femmes montent sur les épaules des hommes pour former une pyramide humaine, les plus courageux plongent depuis le bord de la « piscine » ou même du sommet du temple-île au milieu du bassin.
Près des marches, Nandi (le véhicule de Shiva sous la forme d’un taureau) a perdu son corps. Et si certaines sculptures sont vieilles de 15 siècles, c’est l’esprit du lieu qui est avant tout conservé par ces pèlerins d’un jour. Un lieu sacré, un lieu symbole de vie.
Fin d’après midi. Le temple Chalukya se vide rapidement, la route pour rentrer au village est parfois longue. Démaquillé, le mystérieux maître de cérémonie s’est réincarné en un civil presque ordinaire, dont le regard n’a rien perdu en intensité…
Fin des festivités.
Très bien ce site et commentaires instructifs. Tu aimeras sans doute l’idée que pour certains clients je suis une réincarnation d’une indienne qui soignait, que j’aurais habité l’ouest de l’Inde. On m’a aussi dit que j’étais une prêtresse égyptienne qu’on avait assassiné … voilà à quoi me fait penser ton site dédié à l’Inde (-;